L’intelligence artificielle transforme déjà de nombreux métiers, mais les Ressources Humaines avancent encore à petits pas. Lors du salon Global RH, organisé par le groupe RH&M, cinq DRH issus de grands groupes ont partagé leur vision de l’IA dans la fonction RH. Entre expérimentations concrètes, doutes persistants et arbitrages budgétaires, leurs échanges reflètent les tensions actuelles autour de l’adoption de l’IA dans les ressources humaines.
Atelier animé par Xavier Geffrier, Data Analyst chez Spartes et Corinne Moreau, Fondatrice et Présidente de Como Consulting.
Un constat partagé : les RH avancent moins vite que le reste de l’entreprise
Alors que certaines directions métiers (marketing, finance, logistique…) ont déjà intégré l’IA dans leurs processus, les RH paraissent à la traîne. Ce décalage n’est pas lié à un manque d’intérêt, mais plutôt à un environnement moins mature : peu de solutions vraiment pensées pour les RH, des incertitudes sur la conformité réglementaire, et des arbitrages à faire entre projets prioritaires.
Les DRH présents dans l’atelier, parmi lesquels :
- Karine Branger – DRH FSM Groupe Konecta
- Franck Berté – DRH DSV – Global Transport and Logistics
- Renaud Gili – DRH Vulcain Engineering Group
- Monica Nunes – Payroll-HRIS and C&B Manager UNIQLO
- Jérémy Mailly – DRH Groupe PANZANI
ont tous exprimé un même besoin : mieux identifier les cas d’usage vraiment utiles, ceux qui apportent une valeur tangible, en particulier sur le gain de temps et la performance opérationnelle.
Peu de solutions dédiées aux RH mais des opportunités à saisir
Un marché encore peu structuré
Le marché des outils IA pour les RH reste jeune. Si l’offre explose côté marketing ou relation client, les DRH constatent que les solutions RH réellement opérationnelles se comptent encore sur les doigts d’une main. Et les écarts de prix et de qualité freinent les expérimentations.
Des cas d’usage qui émergent
Loin des promesses futuristes, certains usages de l’IA en RH s’imposent progressivement dans les organisations, avec des résultats tangibles :
- Tri intelligent des candidatures, avec des outils de matching et de scoring
- Automatisation du calcul des variables de rémunération
- Prédiction de l’absentéisme à partir des données historiques
- Recouvrement des IJSS facilité par des outils de suivi automatisé
- Génération assistée de contenus RH, comme des fiches de poste ou des synthèses d’entretien
Ces cas d’usage ont un point commun : ils ciblent des tâches à forte valeur opérationnelle, chronophages ou répétitives, et permettent de libérer du temps pour des missions plus stratégiques. Des outils comme Ferway ou Klem répondent déjà à ces enjeux de manière ciblée, en combinant technologie et expertise métier RH.
L’IA déjà utilisée, de façon informelle
L’un des points soulevés pendant l’atelier est le décalage entre les usages individuels et la politique d’entreprise. De nombreux collaborateurs testent aujourd’hui ChatGPT ou d’autres outils génératifs dans leur quotidien professionnel… sans en parler, de peur de “mal faire”.
Briser le tabou et encadrer les pratiques
Il devient nécessaire d’encourager les retours d’expérience, de cartographier les usages, et d’identifier ceux qui méritent d’être structurés. Le sujet de l’IA ne peut plus être réservé à la DSI ou à la direction de l’innovation. Les RH doivent se saisir de ce qui se passe déjà dans les équipes pour mieux l’encadrer… et parfois s’en inspirer.
L’IA ne fonctionne pas sans données ni experts
Structurer les données RH pour gagner en efficacité
Une IA RH efficace repose sur une donnée bien collectée, bien structurée, et exploitable. Mais les DRH s’accordent : la collecte peut vite devenir chronophage si elle n’est pas bien pensée. Il faut trouver le bon équilibre entre la qualité des données disponibles et le temps qu’on y consacre.
Ne pas rester seuls : l’importance de l’expertise
Autre point clé de l’atelier : les RH ne peuvent pas porter seuls des projets IA. Il est essentiel de travailler avec des spécialistes de la data, capables de paramétrer les bons algorithmes, d’identifier les biais, et de traduire les résultats en recommandations actionnables.
Mieux vaut des gains concrets que de grandes transformations
Tous les DRH présents s’accordent sur ce point : inutile de lancer un chantier IA global si on ne sait pas où sont les vrais leviers de performance. Mieux vaut démarrer par des projets ciblés, à ROI mesurable, que par une refonte complète du service RH.
Parmi les leviers identifiés :
- Réduction du temps passé à gérer les variables de paie
- Meilleur pilotage de l’absentéisme
- Récupération plus rapide des IJSS
- Accélération du processus de recrutement
Conformité et IA : les DRH doivent anticiper
L’entrée en vigueur du AI Act européen soulève une autre question : celle de la conformité des outils utilisés. Transparence des algorithmes, auditabilité, non-discrimination… le choix des prestataires devient un enjeu stratégique. Les DRH doivent être associés dès le début pour garantir une adoption sécurisée et éthique de ces nouvelles technologies.
À retenir : les clés d’une intégration réussie de l’IA RH
- Avancer avec méthode : identifier un besoin clair, un cas d’usage ciblé, un gain mesurable
- Encadrer les pratiques existantes pour éviter les risques liés aux usages non maîtrisés
- Travailler avec des experts IA & data, en complément de l’expertise RH
- Vérifier la conformité des solutions, notamment au regard du cadre réglementaire européen
L’intelligence artificielle pourra être un levier puissant pour les RH lorsqu’elle sera mise au service d’objectifs concrets et bien définis. C’est en avançant pas à pas, en s’appuyant sur des retours d’expérience solides, et en gardant le cap sur la valeur créée (temps, fiabilité, performance) que les RH pourront pleinement tirer parti des opportunités de l’IA. 2025 ne sera pas l’année de la révolution spectaculaire, mais celle de la structuration, de l’expérimentation raisonnée… et des premiers vrais résultats.

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